Dernière mise à jour : 08-03-2013
POUR UN DÉBAT CITOYEN sur LA QUESTION ÉNERGÉTIQUE _ - E -
 
   
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QUE FAIRE DU CO2 ... ???

     
     

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D'après l'étude SOVACCOL citée plus haut, l'émission de C02 pour la production d'énergie électrique nucléaire, bien que 11 fois supérieure à la valeur "officielle" en France, reste tout de même 17 fois inférieure, en moyenne, à celle produite par des centrales au charbon... Et l'usage des énergies fossiles (pétrole, gaz naturel, charbon) dépasse largement celui de la production d'électricité, de sorte que la relativement faible émission de CO2 pour la production d'électricité (par des centrales nucléaires ou des énergies renouvelables) ne règle pas le problème global des dégagements de CO2.

 

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Un rapport sur les Sources d’Energie dans la consommation finale française en 2010 indique en effet que "La France dépend à 69,5% des énergies fossiles. Les énergies renouvelables représentent 12% et le nucléaire 17% de l'énergie finale que nous consommons".

Ce graphique visualise les ordres de grandeurs des différentes sources d'énergie consommées en France : les énergies fossiles y sont prépondérantes, ce qui nécessite de s'atteler à la question des dégagements de CO2 correspondants.

 

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Le bilan énergétique de la France (mis à jour le 04/07/2011), téléchargeable sur le site du ministère de l'écologie, produit le schéma (ci-dessous) qui montre l'évolution des consommtions par secteur.

Ce graphique montre aussi les ordres de grandeur des principaux secteurs de consommation et donc de dégagement de CO2. Il en ressort que:

  • le poste le plus important de dépense énergétique est celui du résidentiel-tertiare : c'est aussi le premier poste d'économies à réaliser (isolation des bâtiments anciens, construction de nouveaux bâtiments et logements à consommation nulle)
  • le secteur des transports peut et doit gagner en efficacité énergétique (amélioration des rendements des moteurs). Mais des économies structurelles sont également réalisables dans ce secteur:
    • un document du COMMISSARIAT GÉNÉRAL AU DÉVELOPPEMENT DURABLE -n° 355-Octobre 2012- intitulé "Transports routiers de marchandises au deuxième trimestre 2012" permet de comprendre que d'importantes économies de CO2 sont réalisables. Le tableau 2 page 4, en effet, établit une comparaison : entre les trajets de proximité (moins de 150 km) intervenant pour 12.931 millions de tonnes km, et les trajets de plus grande distance (150 km ou plus) pour 28.897 millions de tonnes km. Les trajets de plus grande distance représentent donc une contribution très largement majoritaire aux dégagements de CO2. Pour les réduire, une partie croissante de ces derniers devrait donc évoluer vers des solutions de type fret embarqué sur voies navigables, rail ou fer-routage.
    • le recours aux transports collectifs de passagers sur rail (avec des réserves importantes quant aux motrices fonctionnant au gaz-oil) et au co-voiturage systématique (avec des solutions d'auto-organisation qui fonctionnent déjà actuellement)
    • l'utilisation d'énergies non-fossiles pour les transports (bio-gaz). On y reviendra.
    • une économie majeure est également possible en relocalisant les productions pour rapprocher les lieux de production des lieux de consommation. L'éloignement des productions exige en effet un recours massif au transport maritime, certes moins polluant (en tonnage transporté) que les autres modes de transport. Selon un article de "Le marin", les experts de l'Organisation Maritime Internationale sont en train de réactualiser les données, évaluées à 870 millions de tonnes de C02 en 2007.
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    (Photo Eric Houri)
  • la dernière composante importante est la consommation d'énergie du secteur industriel et de la sidérurgie, qui représente actuellement de l'ordre du quart de la consommation totale, avec des industries (sidérurgie, production de béton, raffinage...) fortement émettrices de CO2.

Les dégagements de CO2 sont donc, pour une part, évitables à court et à moyen terme.
Mais pour une part seulement... Et il est difficilement envisageable de stopper les industries dites "chaudes".

 

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La première question qu'on peut se poser est de savoir précisément: que devient ce CO2 ?

Le 01/01/2010, la revue "La Recherche" publie une interview : EFFET DE SERRE L'océan et la biosphère absorbent toujours le carbone.
..."Contrairement à ce qui est dit parfois, les océans, comme les sols et les forêts, parviennent à absorber toujours plus de CO2. Ces puits fonctionnent toujours. Depuis 1850, environ 45 % des émissions anthropiques de CO2 restent dans l'atmosphère. Ce pourcentage reste en moyenne constant, même s'il fluctue chaque année"...

Mais le climatologue interviewé, Wolfgang Knorr, poursuit: ..."Les simulations numériques faites dans le cadre du projet international de comparaison des modèles couplés entre le climat et le cycle du carbone auquel je participe montrent que le pourcentage de CO2 anthropique restant dans l'atmosphère n'a pas encore augmenté, mais qu'il le fera très prochainement. Les puits vont donc moins bien fonctionner."

Propos confirmés par un communiqué - du 20 novembre 2012 - de l'Organisation Météorologique Mondiale (institution spécialisée des Nations Unies) qui déclare: ..."La teneur de l'atmosphère en gaz à effet de serre a atteint un nouveau record en 2011.  Le forçage radiatif  de  l'atmosphère  par  les  gaz  à  effet de  serre, qui  induit  un  réchauffement  du  système climatique,  s'est accru de 30 %  entre  1990 et 2011 à cause du dioxyde de carbone et d'autres gaz persistants qui retiennent la chaleur...
...«Jusqu'à  maintenant,  les  puits  de  carbone ont  absorbé  près de  la  moitié  du  dioxyde  de  carbone  que  les  activités  humaines  ont  rejeté  dans  l' atmosphère,  mais  la  situation  risque  de  changerNous voyons  déjà que les  océans  ont  tendance  à  s'acidifier  du  fait  de  l'absorption  de  dioxyde  de  carbone,  ce  qui pourrait  avoir  d'importantes  répercussions sur  la  chaîne alimentaire  océanique  et  les  récifs de  corail.  Il  existe  par  ailleurs  de  nombreuses  interactions  entre  les  gaz  à  effet  de  serre,   la  biosphère  terrestre  et   les  océans,  et  nous  avons  besoin  de  renforcer  nos  capacités  de  surveillance  et d'approfondir nos connaissances scientifiques afin  de mieux les comprendre»,  a poursuivi  M. Jarraud"...

La situation risque de changer, en effet... puisqu'en janvier 2099 déjà, un article du site contreinfo citait Kitack Lee professeur associé à l’Université Coréenne des Sciences et Technologies de Pohang, qui expliquait: "«...l’augmentation de la température atmosphérique due au réchauffement de la planète peut influer profondément sur la ventilation de l’océan, ce qui diminue le taux d’absorption du CO2. ».
Et plus loin dans l'article:
..."Présentant leurs résultats dans la revue Geophysical Research Letters, les scientifiques écrivent : « Le fait marquant est que presque toutes les émissions de CO2 d’origine anthropique capturées dans la période récente sont confinées dans des eaux de moins de 300 mètres de profondeur. Cette réduction rapide et substantielle est ... surprenante et elle est attribuée à un affaiblissement considérable de la circulation [des eaux]. »
Corinne Le Quéré, experte dans le domaine de la capture du carbone par l’océan à l’Université d’East Anglia, déclare : « Nous ne pensons pas que l’océan va complètement cesser de capturer nos émissions de dioxyde de carbone, mais si cet effet diminue, cela aura des conséquences réelles pour l’atmosphère »."

D'ailleurs, l'article "Puits de Carbone" de Wikipedia relève des "Résultats contradictoires sur l'état et capacités des puits de carbone océaniques", précisant : "Un autre programme, européen, CARBOOCEAN a également conclu à une situation mauvaise au nord : la capacité de puits de CO2 aurait été divisée par deux aux latitudes élevées de l'hémisphère nord, depuis 1996."

 

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Relative incertitude, donc, quant aux résultats, certains scientifiques estimant que les puits à CO2 (les océans, les sols, les forêts) en absorbent "toujours plus" de sorte que la densité de CO2 dans l'atmosphère resterait constante, d'autres constatant déjà une baisse dans la capacité d'absorption des puits à CO2...

En réalité, les résultats concernant l'absortion globale du CO2 (par les océans, les sols, les forêts) sont établis sur la base d'une "densité moyenne" en CO2 dans l'atmosphère, estimée à partir de mesures en différentes localités. Donc, selon cette méthode, pour être assuré de la quantité totale de CO2 absorbée dans l'atmosphère, il faudrait connaître précisément comment varie cette densité selon la zone géographique et en fonction de l'altitude (sachant que le CO2, assez lourd, se trouve plutôt dans l'atmosphère inférieure).
Et quelle est la limite de cette atmosphère inférieure ? (sachant qu'une erreur de x% sur "l'épaisseur" de la couche atmosphérique engendre une erreur du même ordre sur son volume et donc sur la densité moyenne en CO2). Formulé autrement : même si la densité moyenne de CO2 dans l'atmosphère restait "à peu près constante" au cours du temps, encore faudrait-il être certain que, par accumulation du CO2, l'équilibre ne s'établisse sur une plus grande altitude, c'est à dire sur "une couche plus épaisse" d'atmosphère !!!

Malgré cette relative incertitude quant aux résultats, il existe une relative convergence sur le doute que les puits à CO2 puissent, à terme et dans les mêmes proportions qu'actuellement, continuer d'absorber le CO2 produit par l'industrie humaine. Dans ces conditions, quelles solutions envisager pour éviter l'accumulation du CO2 dans l'atmosphère ? Que faire de ce CO2 ?

Pour pallier à l'insuffisante de l'absorption naturelle des puits à CO2, la première idée qui vient à l'esprit est celle du captage du CO2.
Le CO2 qui devrait être le plus facile (et donc le plus rentable) à capter serait sans doute celui produit massivement par
le secteur industriel et la sidérurgie.
En admettant cette opération réalisable industriellement, que faire ensuite de ce CO2 capté ?
Deux solutions sont actuellement envisagées: celle de l'enfouissement du CO2 et celle de sa valorisation.

Commençons par un inventaire...

 

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Sous le titre "Piégeage et stockage du dioxyde de carbone", un rapport spécial du GIEC (Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat) a été établi en 2005, à l'invitation de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.
Ce rapport estime (page 9) que: "...d'ici 2050, vu les limites techniques prévues, de 20 à 40 % environ des émissions mondiales de CO2 émanant de combustibles fossiles pourraient convenir au piégeage sur le plan technique, y compris 30 à 60 % des émissions dues à la production délectricité et 30 à 40 % de celles qui proviennent de lindustrie..."

Le résumé technique du rapport (page 18) évoque l'éventualité "...très probable que le PSC (Piégeage et Stockage du dioxyde de Carbone) serait appliqué à d'importantes sources fixes, telles les centrales électriques ou les grandes usines, dont une partie pourrait produire du combustible décarburé, tel l'hydrogène, qui alimenterait le secteur des transports, de la transformation et du bâtiment, réduisant ainsi les émissions imputables à ces sources disséminées."...
Les techniques de piégeages sont analysées en détail et résumées par le schéma (page 25) reproduit ci-dessous.

Dans l'état actuel, ces techniques de piégeage présentent cependant des inconvénients majeurs : leur mise en oeuvre nécessite une quantité importante d'énergie, ce qui limite donc le rendement de l'installation et augmente le coût de la production d'énergie.

Le document évoque aussi la possibilité de stocker le CO2 capté... tout en signalant (page 33) les risques posés par une fuite des réservoirs de stockage géologique : ces risques "...sont d'ordre mondial et d'ordre local : à l'échelle de la planète, le rejet dune partie du CO2 dans l'atmosphère pourrait accentuer les changements climatiques; à l'échelle locale, un tel incident pourrait être dangereux pour la population, les écosystèmes et les eaux souterraines."...
Et le tableau suivant (page 34) illustre les voies possibles de fuite du CO2 injecté dans une formation saline et les modes d'intervention.

Le stockage du CO2 dans les océans est également envisagé mais il aurait lui aussi un impact et présenterait des risques pour l'environnement (page 38) :
"...L'injection de quelques gigatonnes de CO2 modifierait de manière sensible la chimie des eaux dans la zone concernée, tandis que l'injection de centaines de gigatonnes produirait des changements plus marqués dans la zone environnante, suivis de modifications mesurables dans le volume total de l'océan."...
Le doucument précise (page 39) : ..."Toutefois, aucune décision n'a encore été prise en ce qui concerne le stockage intentionnel dans les océans."...

 

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Un autre document de référence sur cette question est la brochure réalisée par l 'ADEME, le BRGM et l'IFP, brochure extrêmement bien faite qui présente "l'état des connaissances déjà acquises, ainsi que les défis technologiques à relever, pour que la capture et le stockage géologique de CO2 apportent une réponse concrète permettant de faire face aux risques de changement climatique."

Un autre petit document en ligne synthétise la question du captage du CO2. Son auteure, Elisabeth Huffer a également co-publié un livre "L'énergie de demain" (JL Bobin, E Huffer, H. Nifenecker - Groupe Energie de la Société Française de Physique).
Les trois voies de captage (captage post-combustion, oxycombustion, captage pré-combustion) y sont illustrées et les trois types de stockage géologique y sont présentés (injection dans les aquifères salins profonds, injection dans les réservoirs d’hydrocarbures, injection dans les veines de charbon en profitant du fait que le charbon a une affinité encore plus grande pour le gaz carbonique que pour le méthane).
Pour conclure que le captage-stockage de CO2 est une opération coûteuse sur le plan énergétique et financier... et qu'il conviendrait de la réserver aux industries qui ne peuvent fonctionner sans les combustibles fossiles.

 

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Comme d'autres groupes pétroliers, Total s'intéresse aussi aux technologies de captage-stockage de CO2 : "Capter le CO2 soulève des défis techniques, notamment sur l'amélioration du rendement énergétique des procédés existants. Il existe trois procédés de captage, trois voies technologiques différentes au stade de développement. Toutes offrent des perspectives de progrès technique et font l'objet de programmes de recherche."

Le site Techniques-Ingénieurs consacre aussi un article à la question "Captage et stockage du CO2 : solution ou problème ?" qui explique:
"...Les obstacles sont donc nombreux... ...Enfin, comme pour les déchets nucléaires, le stockage du carbone doit faire face aux réticences populaires locales, comme c’est le cas sur le site de Lacq. « Au-delà des problèmes de coût et de validation scientifique, la filière doit aussi se préoccuper de son acceptabilité sociale », explique François Moisan..."

Comme si les réticences populaires étaient le problème, aussi bien concernant le stockage des déchets nucléiares que le stockage du CO2 !!!

Pour finir cet inventaire, le site gouvernemental du développement durable consacre quelques lignes à cette question : "La filière captage et stockage du CO2 (CSC) et de sa valorisation, couvre l'extraction du dioxyde de carbone (CO2) des installations fortement émettrices pour la production d'énergie (centrales à combustibles fossiles, notamment à charbon) ou production industrielle (aciéries, cimenteries, etc.), sa purification et compression, son transport (par canalisations ou bateaux) vers des sites de stockage (on-shore ou off-shore) et son injection de façon définitive et sûre dans des formations géologiques adaptées."
...et une seule ligne à la possible valorisation du CO2 :
"Le C02 peut également être valorisé en tant que matière première dans les procédés industriels".

 

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Sur le fond, tous les documents référencés ci-dessus associent l'idée du captage à celle du stockage.

Cependant le stockage du CO2 pose de gros problèmes, comme l'évoque le rapport du GIEC (évoqué plus haut) et comme le soulignent d'autres experts, dont ceux de l'INERIS (Institut National de l'EnviRonnement Industriel et des riSques): "Stockage du CO2: l’Ineris souligne les risques de pollution" :
"...En Europe, le programme de co-financement d’expériences pilotes de captage et de séquestration géologique (NER 300) risque de ne donner aucun résultat, faute de participants [JDLE]. En France, l’Ineris met en relief un risque de pollution que l’injection du CO2 dans un aquifère salin pourrait faire courir à l’environnement."
Pour mémoire, à Florange, il avait été question de mettre en oeuvre le projet Ulcos de stockage... projet abandonné suite à la décision du gouvernement français de laisser à Mittal les mains libres sur le site de Florange. Mais c'est une autre histoire !!!

La fausse bonne idée est en réalité de considérer le CO2 comme un déchet et de le traiter in fine comme un sous-produit "honteux" de l'activité humaine, en l'enfouissant quelque part (comme on  tente de le faire pour les déchets radioactifs), avec tous les problèmes de sécurité que l'on peut imaginer, problèmes qui sont soulevés par certains experts et par les citoyens eux-mêmes...

Une autre idée, qui est sans doute la bonne idée, est de séparer les deux questions: du captage et du stockage, pour envisager ensuite une solution alternative au stockage, alternative visant à valoriser le CO2 capté.

Des projets de recherche en ce sens commencent à promettre des débouchés industriels.

 

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Concernant l'opération spécifique de captage, le site ediffuseur.com publie l'information -le 05/02/2013- : "Un pilote de démonstration de captage CO2 sur le site de St Ouen (CPCU)".
En clair : "Après le lancement, il y a 2 ans, du projet CO2_Energicapt financé par l’ANR dans le cadre de l’appel à projet EESI 2010, le fournisseur français d’îlots chaudières industrielles Leroux et Lotz Technologies va démarrer courant mai 2013 un pilote de démonstration, intégré énergétiquement dans une des centrales gaz du site de St Ouen de la CPCU (Compagnie Parisienne de Chauffage Urbain, Cofely)." ...
"Le caractère ambitieux du projet Energicapt consiste en le développement d’un procédé hybride performant (augmentation de l’efficacité de captage via l’augmentation de la pression partielle de CO2, combiné à un captage par voies membranaires), adaptable aux installations industrielles existantes et émettrices de CO2, pour le captage du CO2 dans les fumées de combustion à des coûts plus réduits ;"...

 

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Concernant la valorisation du CO2, le cabinet de conseil Alcimed a réalisé une étude pour le compte de l'ADEME (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie), conjointement avec le Ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement Durable et de la Mer. Cette étude: "Panorama des voies de valorisation du CO2" analyse les différentes méthodes de valorisation du CO2 et leur potentiel.
En particulier, elle classe les différentes possibilités de valorisation en fonction du stade d'avancée des recherches et des applications inductrielles selon le schéma (page 18) reproduit ci-dessous.

Note : la RAH désigne la Récupération Assistée des Hydrocarbures, "largement utilisée avec du CO2 provenant de stockages naturels et un projet utilise du CO2 capté de fumées industrielles".

 

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De nombreux projets sont actuellement en développement dans le monde. En nous intéressant uniquement aux projets développables à court ou moyen terme, on peut déjà citer :

  • Le projet développé à Townsville (Queensland) en haut de la côte est de l'Australie : "La promesse de l'algue": "...les micro-algues ont besoin d'importantes quantités de gaz carbonique (CO2) pour leur croissance, transformant par un tour de passe-passe chimique ce vilain polluant en intéressant ingrédient. Avec des résultats sidérants: une tonne de CO2 permet, si tout va bien, de produire 1,8 tonne quotidienne de micro-algues ! ... «C'est le moyen le plus performant pour valoriser les émissions de CO2 et donc de lutter contre l'effet de serre» "
  • En France l'INRA met au point un procédé : "L’Algotron : un procédé de culture de micro-algues couplé à la production de biogaz". La encore, l’idée est "de recycler le CO2 généré par l’industrie comme ressource de carbone pour la production de micro-algues puis de les méthaniser pour obtenir du biogaz". Voir les projets "algues" sur le site INRIA.
    Le projet
    GREENSTARS, lauréat de l’appel à projet « Institut d’Excellence sur les Énergies Décarbonées » vise à regrouper la filière de valorisation des micro-algues. Porté par l’INRA et rassemblant 45 partenaires (organismes de recherche publique, entreprises, collectivités territoriales, pôles de compétitivité), GreenStars a également pour ambition de se positionner, d’ici cinq à dix ans, parmi les centres d’excellence mondiaux dans le domaine de la bio-raffinerie des micro-algues. Un budget de 160 ME sur 10 ans est initialement prévu dont près de 20% d’aide publique
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Les projets de valorisation du CO2 par la culture de micro-algues semblent donc aujourd'hui une piste incontournable à court terme, car le coût de la mise en oeuvre du captage du CO2 est partiellement compensé par sa valorisation (production de carburant de synthèse) selon le schéma ci-dessous:

Ordre de grandeur des rendements :

Au delà de ce schéma de principe, il est important d'avoir une idée sur les ordres de grandeur : quelle énergie serait produite par culture de microalgues, quel serait le dégagement final de CO2...

Le petit calcul reporté ci-dessous devra être réactualisé avec des données plus récentes que celles utilisées. Mais d'ores et déjà, il en résulte que, partant d'une énergie initiale de 1 TEP qui serait produite par du charbon, le bilan global après valorisatiion du CO2 par culture de microalgues serait le suivant:

  • une énergie supplémentaire nette de 1 TEP environ serait produite par le processus, à partir de 1 TEP d'énergie initiale,
  • l'énergie produite peut, à son tour, être soumise au captage du CO2 qui est à nouveau dégagé (celui qui a été capté pour sa production), ce qui produira à nouveau de l'énergie, et ainsi de suite à chaque étape du cycle,
  • si le processus de valorisation est intégré à chaque étape du cycle, le dégagement global de CO2 (énergie initiale + énergie nécessaire au processus + énergie produite à chaque cycle) rapporté à l'énergie totale disponible peut être divisé par 3,3 (environ) par rapport au charbon, et donc du même ordre de grandeur que celui de  l'électricité photovoltaïque.

Cependant, bien que le rendement par hectare de la production des microalgues soit très supérieur à celui des autres huiles (Colza, Tournesol), l'étendue des surfaces nécessaires est actuellement une limitation au procédé.

Quoiqu'il en soit, ces ordres de grandeur devront être actualisés car les rendements seront améliorés au fil des recherches. Mais d'ores et déjà, ils devraient convaincre de l'intérêt à ne plus considérer le CO2 comme un déchet, mais comme une ressource à valoriser, et donc à renforcer les recherches pour améliorer les rendements.

 

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Un dernier argument technique plaide pour le développement de cette filière en tant que productrice d'énergie stockable.

Cette filière peut constituer un "tampon" énergétique, qui permet de compenser les écarts entre la production et la demande d'électricité (entre les pics et les périodes creuses) : les "excédents d'énergie électrique" en période creuse peuvent alimenter l'industrie de valorisation du CO2 pour produire une énergie (sous forme de carburant ou de méthane, par exemple) facilement stockable et donc utilisable en période de pic de la demande d'énergie.

C'est d'autant plus nécessaire que l'apport des énergies renouvelables subit des fluctuations qui ne suivent pas nécessairement les fluctuations de la demande.

Et c'est la raison pour laquelle l'Allemagne développe ce type de couplage entre énergie électrique de source renouvelable et stockage de H2 ou de méthane, fabriqués au moment des creux de consommation électrique (bien que dans ce cas précis, il ne s'agisse pas de méthane fabriqué à partir de culture de microalgues : mais rien ne s'y opposerait...).
Quoiqu'il en soit, "La méthanation devient réalité" : "La forte pénétration des énergies de flux, éolien et photovoltaïque, oblige l’Allemagne à se doter rapidement d’importants moyens de stockage de l’électricité. Pour réussir sa transition énergétique, le pays mise sur la méthanation : la transformation de l’électricité en méthane de synthèse."
Et en Allemagne, du "gaz éolien" est déjà en vente :
..." Depuis le 1er octobre 2011, Greenpeace Energy, fournisseur d’électricité verte basé à Hambourg, propose une nouvelle offre baptisée “proWindgas”. Celle-ci consiste à vendre du gaz naturel dont le prix comprend une part de 0,4 c€/kWh destinée à promouvoir le développement du “Windgas”, le gaz éolien. L’offre a déjà séduit plus de 6 000 clients. Greenpeace Energy a ainsi conclu un premier accord en janvier dernier avec Enertrag pour la fourniture d’hydrogène à raison de 400 MWh en 2012 et de 1,2 GWh en 2013. Cet hydrogène est produit par une centrale hybride située à Prenzlau, près de Berlin, combinant un parc éolien, une unité de biogaz et un électrolyseur de 500 kW. Produit par l’électricité excédentaire, cet hydrogène est ensuite injecté dans le réseau de gaz. Greenpeace Energy, qui possède huit parcs éoliens et trois centrales solaires, pour un total de 54 MW, entend construire un deuxième électrolyseur en 2013."...

 

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Au delà des arguments techniques...

De nombreux projets de recherche sur les énergies renouvelables se développent actuellement, un peu partout dans le monde (y compris en France). L'impératif, reconnu, de réduire les dégagements de CO2 impose la transition vers les énergies renouvelables, en accélérant les recherches dans ce domaine, et en se détournant des énergies fossiles et des illusions nucléaires du siècle passé.

Mais la nécessaire transition énergétique doit être pilotée et planifiée par le politique : l'investissement public est nécessaire pour développer des recherches fondamentales dans les secteurs des énergies renouvelables et pour appuyer les applications industrielles innovantes. Cet investissement public donnera le cap à suivre. Il ouvrira la voie aux nouveaux développements industriels dont nous avons besoin pour sortir de la crise mondiale, sociale, écologique, économique, industrielle... Le domaine de l'énergie ne doit pas être abandonné au pouvoir des financiers. L'État, au nom des citoyens, doit garder la maîtrise de l'énergie.

 
     
Annexe.  

Calcul de l'ordre de grandeur des rendements :

Pour fixer les idées, on peut faire le petit calcul suivant.
On utilise pour ce faire les valeurs des dégagements de CO2 publiées au chapître B paragraphe -B5-5-

Partons de la quantité d'énergie EC = 1 Tonne Equivalent Pétrole produite par du charbon, journellement nécessaire pour faire fonctionner une industrie (sidérurgique par exemple...). La production de cette énergie dégagera environ 1,123 Tonnes équivalent Carbone par jour.
Correspondance entre unités : l’émission d’un kilogramme de CO2 vaut 0,2727 kg d’équivalent Carbone. Ou bien: 1 kg d’équivalent carbone correspond à l’émission de (1/0,2727) kg de CO2, soit 3,667 kg de CO2.
Donc 1,123 Tonnes équivalent Carbone correspondent à 1,123 x 3,667 = 4,118 Tonnes de CO2.

L'utilisation du charbon pour produire une énergie de 1 TEP dégage donc environ QT= 4,12 Tonnes de CO2.
=> Sur cette quantité totale de CO2, on peut admettre qu'il est possible d'en capter 70%, soit Q1= 2,88 Tonnes de CO2.
=> Le reste Q2 se dégage dans l'atmosphère : Q2 = 1,24
Tonnes de CO2.

D'après un document déjà cité, on peut estimer que le CO2 capté permet de produire, journellement, environ 1,8 fois son poids en microalgues.
Dans le cas présent, on obtiendrait environ 1,8 x 2,88 = 5,2 tonnes de microalgues. Ces microalgues sont alors transformées en biocarburant, avec un rendement qu'il s'agit d'évaluer.
Pour ce faire, un document de l'IFREMER de 2005 apporte quelques précisions quant aux rendements des cultures d'algues, soit:

  • environ 30 g/m2/jour pour des cultures réalisées par l'IFREMER et 50 g/m2/jour pour des cultures réalisées aux USA.
  • avec un rendement en production d'huile, de 23.700 litres/hectare/an pour l'IFREMER  100.000 litres/hectare/an pour les USA.

Ces données de l'IFREMER étant déjà anciennes (de 2005), on prendra des valeurs moyennes, à savoir 40 g/m2/jour (soit 0,4 tonne/hectare/jour) et 60.000 litres/hectare/an. On obtiendrait alors:

  • une production d'algues de 0,4 tonnes/hectare/jour, soit de l'ordre de 146 tonnes/hectare/an
  • avec un rendement moyen, ces 146 tonnes l'algues produiraient  60.000 litres d'huile, soit environ 410 litres d'huile par tonne d'algues.

Sachant, comme on l'a vu, que pour 1 TEP on capte Q1= 2,88 Tonnes de CO2 qui produisent 5,2 tonnes de microalgues, on obtiendra 5,2x410 litres soit environ 2.000 litres d'huile par TEP. Avec un pouvoir énergétique de cette huile très inférieur (de l'ordre de 60%) à celui du pétrole, on pourrait estimer que ces 2.000 litres d'huiles produiraient approxiativement une énergie EA = 1,3 TEP.
Mais il s'agit là d'une estimation basse, alors qu'une estimation haute serait celle fournie par 1 tonne d'huile de Colza ou de Tournesol, qui représente 1 TEP (d'après le site manicore). Dans ce cas, les 2.000 litres d'huiles produiraient une énergie voisine de 2 TEP. Mais restons-en à l'hypothèse basse.

Dans ces conditions, le bilan énergétique se résume ainsi :

  • On consomme du charbon produisant une énergie EC = 1 TEP, qui dégage environ 4,118 Tonnes de CO2
  • On capte et on valorise environ 70% de ce CO2, soit Q1 = 2,88 Tonnes de CO2, le reste (Q2 = 1,24 tonnes) se dégageant dans l'atmosphère.
  • Le processus de captage-valorisation du CO2 produirait environ EA = 1,3 TEP
  • Mais il consommerait une quantité importante d''électricité qu'on estimera à EE = 0,3 TEP, production électrique qui pourrait elle-même dégager environ Q3 = 1,1 Tonne de CO2 (en prenant la valeur de 0,3 kg équiv C par TEP pour l'électricité, qui est à peu près le dégagement du photovoltaïque).
  • Le procesus global multiplierait donc par 2 l'énergie initiale (passant de 1 TEP initiale à EC+EA-EE = 2 TEP à l'issu du processus).
  • Le dégagement global de CO2 passerait ainsi de 4,118 Tonnes de CO2 pour 1 TEP à   Q2+Q3 = 1,24+1,1= 2,34 Tonnes de CO2 pour 2 TEP, soit environ 1,2 Tonnes de CO2 par TEP.
  • Résultat important, donc: après valorisation du CO2 dégagé par du charbon, le bilan global est de 1,2 Tonnes de CO2 par TEP, i.e. du même ordre de grandeur que celui des panneaux photovomtaïques (estimé à 316 kg équivalent Carbone par TEP, soit 1,16 tonnes CO2 par TEP).
  • Mais ce n'est que la première étape du cycle: le CO2 dégagé par la nouvelle énergie produite à partir des algues (sous forme de bio-carburant ou de méthane par exemple) peut à son trour entrer dans le cycle de la valorisation...

Le cycle du processus.

Le CO2 dégagé par chaque nouvelle production d'énergie (à partir des algues) peut à son tour être capté et valorisé. Donc en réalité, pour évaluer les rendements, c'est le cycle complet qu'il faut considérer : partant d'une quantité d'énergie donnée, c'est le même taux (70%) de CO2 qui est valorisé et le même taux (30%) qui se perd dans l'atmosphère. C'est ce que représente le tableau ci-dessous.

On peut faire varier les paramètres en téléchargeant le fichier de calcul excel

Si on admet un taux de récupération du CO2 égal à 0,7 et si l'énergie nouvelle produite par la valorisation du CO2 produit un dégagement de CO2 égal à 0,8 fois celui du charbon, alors, par ce recyclage permanent du CO2, on peut donc espérer un rendement minimum de l'ordre de 3,3. Ce qui signifie que le processus global rejette de l'ordre de 3,3 fois moins de CO2 que pour la même quantité d'énergie produite par du charbon sans valorisation du CO2. . Précisons à nouveau qu'il ne s'agit que d'ordres de grandeurs. Pour fixer les idées, on peut comparer ces taux avec ceux émis par les différents énergies primaire (tableau ci-dessous, tiré de http://www.manicore.com/missions/bilan_carbone.html )

On voit qu'en appliquant un cycle de valorisation du CO2 à une énergie produite par du gaz naturel, par exemple, qui ségage 1.123 / 651 = 1,7 fois moins de CO2 que le charbon, le rendement en serait d'autant amélioré.

Les limites de l'analyse de ce processus.

Il faut signaler aussi une limitation importante à ce procédé qui est le rendement par hectare de la production des microalgues. On l'a indiqué comme valant de l'ordre de 146 tonnes/hectare/an pouvant produire 60.000 litres d'huile/hectare/an, soit environ 40 TEP/hectare/an. Ce rendement nécessiterait près de 1.250.000 hectares = 12.500 km2 d'installation si on voulait que cette huile couvre les 50 MTEP/an qui représentent la totalité des besoins actuels en énergie pour les déplacements.
C'est environ 30 fois moins que la surface nécessitée par la production d'huile de Colza ou de Tournesol... mais c'est encore beaucoup trop !

Pour fixer les idées, prenons l'exemple concret d'une raffinerie de pétrole.

D'après le site http://tous-citoyens.forumchti.com/ , en 2008, la raffinerie de Fos par exemple a dégagé 6.400.000 tonnes de CO2, soit 17.534 tonnes/jour.
Si on arrive à en capter 70% (12.274 t/j.) et si le CO2 capté permet de produire, journellement, environ 1,8 fois son poids en microalgues, ce CO2 capté produirait environ 22.093 tonnes/jour d'algues.

Pour cette production, avec un rendement d'environ 40 g d'algues/m2/jour, il faudrait disposer de 550 km2 soit un carré d'environ 23 km de côté (ce qui impose éventuellement d'installer des canalisations de C02 pour l'amener jusqu'au lieu de sa valorisation)

Avec un rendement de 5.000 m3/km2/an, la culture de ces algues pourrait produire 2,7 millions de m3 de carburant, ce qui représente 1 trentième de notre consommation annuelle (d'après http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/13-3.pdf)

Ces ordres de grandeurs seront sûrement améliorés au fil des recherches; ils indiquent cependant leurs propres limites. Le recours aux énergies fossiles devrait, à terme, être abandonné, mais les nombreuses centrales à charbon en service actuellement ne pourront pas être arrêtées du jour au lendemain. En attendant, il est impératif que le CO2 dégagé soit capté et valorisé pour en limiter l'impact sur l'environnement.

AVERTISSEMENT : si vous avez lu la version de ces calculs antérieure à celle enregistrée maintenant  - le 8 mars à  9h - DÉSOLÉ, OUBLIEZ LA !!!  d'une part à cause d'une erreur que j'y ai décelée, d'autre part parce qu'entre temps, j'ai trouvé un document (d' IFREMER, cité plus haut) qui permet de mieux évaluer les rendements...

 

     

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