Dernière mise à jour : 28-01-2013
POUR UN DÉBAT CITOYEN sur LA QUESTION ÉNERGÉTIQUE _ - D -
 
   
-D-   QUESTION ÉNERGÉTIQUE et POLITIQUE.
     
     
   
-D1-   Quelle est la cohérence politique de ces discours ?
     
D1-1-  

Sans doute, la force du discours en faveur du nucléaire réside dans sa cohérence avec le modèle de société qui s'est développé ces dernières décennies. Quand on développe des centrales nucléaires sur un territoire, on peut invoquer des raisons de sécurité qui exigent un contrôle sérieux de ce territoire (pour éviter toute intrusion malveillante, attentat ou vol de matières fissiles susceptibles d'être détournées à des fins militaires ou terroristes); un contrôle des responsables à tous les niveaux (responsables des organismes publics ou para-publics intervenant) et une assurance de leur fidélité. Une société centralisée s'impose alors, dans son mode de distribution de l'électricité (avec des lignes à très haute tension pour limiter les pertes en ligne) comme dans son mode de prise de décision politique !

Bien sûr, il existe d'autres déterminants dans le choix du nucléaire et ces caractéristiques ne sont pas toutes également présentes dans l'ensemble des pays qui ont construit des centrales... mais ce n'est peut-être pas complètement par hasard si la France est le seul pays du monde où le nucléaire est à ce point dominant : en France, nous avons eu un initiateur emblématique ( le Général De Gaule ) et un système politique ( la 5° république ) qui ont eu les mains libres, en dehors de toute décision des citoyens et même sans vote du parlement : l'énergie nucléaire allait de soi !

L'énergie nucléaire allait de soi, d'autant plus que son développement se déroulait dans un contexte idéologique mondial faisant de la croissance le moteur essentiel de l'économie. Croissance considérée comme condition du progrès humain, croissance qui exigeait de plus en plus d'énergie et donc en particulier d'électricité.

Malgré tous les incidents ou accidents qui ont pu émailler l'histoire du nucléaire, le risque zéro n'existant pas, l'idée dominante était que le progrès scientifique et technique viendrait à bout des problèmes hélas inévitables !
En France, particulièrement, ce discours a été totalement intégré dans l'esprit des gens et il s'est institué comme représentation dominante : autrement dit, pas d'alternative.

 

D1-2-  

Dire que cette représentation sociale s'est instituée signifie simplement que tout évênement peut trouver une explication cohérente (ou une justification) qui s'intègre "parfaitement " dans ce cadre. (parfaitement... façon de parler, bien sûr !). Quelques exemples :

  • Les risques spécifiques qui pourraient être opposables au nucléaire seront traités comme des chimères (on ne voit pas la radio-activité...), des inventions (c'est évidemment difficile d'établir des preuves médicales si l'on ne mêne pas d'enquête sanitaire d'ampleur...), des peurs ancestrales (certains écologistes ne prônent-ils pas un repli sur soi ou entre soi, un retour à la terre nourricière, un éclairage à la bougie...), une défiance vis à vis du progrès de l'humanité (alors que la confiance en la science est la meilleure arme pour vaincre l'ignorance...).
  • On a vu qu'un glissement s'est opéré récemment et que, maintenant, la dangerosité du nucléaire est communément "admise"... : admise, au sens de reconnue comme une évidence (après Fukushima), mais aussi admise au sens de acceptée...
    Autrement dit, la représentation dominante reconnaît et intégre le danger nucléaire, plus précisément le "digère": les financements qu'il faut seront prévus pour renforcer la sécurité... dormez en paix braves gens, nos centrales nucléaires sont les plus sûres du monde !!!
  • Bien que le risque nucléaire soit majeur pour l'humanité et pour l'environnement, le point de vue du réchauffement climatique arrive à repositionner le nucléaire comme élément incontournable pour la sauvegarde de la planète...
  • Et dans la mesure où la nécessité de la croissance est admise comme préalable au règlement de tous les problèmes, il incombera aux responsables d'améliorer le rendement des machines, la productivité des travailleurs : il faut bien admettre "cette loi naturelle de la concurrence" : c'est la vie... dans la jungle animale !!!
  • Enfin, comme tout se tient, et comme cette représentation sociale est "la seule qui vaille", il faut bien admettre cette hyper-concentration des capitaux et ce recours aux marchés financiers : sans eux, rien n'est possible... Y compris, sans eux, on ne pourrait pas financer le nucléaire de Nouvelle Génération, ni le programme ITER, ni les énergies renouvelables dont on peut bien convenir qu'il ne faut pas les négliger ( pourvu qu'elles ne dérangent pas trop l'ordre établi ).

Voilà donc l'état des lieux... Désespérant ?
Pas du tout, car nous savons maintenant que ce qui est nécessaire, c'est: changer de représentation, élaborer une autre vision de politique à long terme, cohérente, qui prenne en compte l'humain (d'abord) et l'écosystème, changer de politique... donc aboliir la dictature ultra-libérale qui détruit tout, Autrement dit, déranger l'ordre établi...

 

   
-D2-   Quel scénario pour le futur ?    ...rédaction en cours : à compléter, modifier...
     
D2-1-  

Déranger l'ordre établi ... n'est pas un programme !
Après un tel discours critique, ne faudrait-il développer quelques "bonnes idées", "positives", sur lesquelles pourraient s'accorder une majorité de citoyens ? Pas suffisant, hélas ! Tout le monde peut s'accorder sur de bonnes idées... tant qu'elles ne dérangent pas la réalité de l'ordre établi... "Le changement c'est maintenant" était une excellent idée !!!
Encore faut-il que les bonnes idées soient soutenues dans un plan d'action cohérent qui permette leur mise en pratique. C'est évidemment de cette façon qu'elles peuvent devenir plausibles et servir (à leur tour) de support pour d'autres représentations, en étayant l'idée d'une autre politique possible.

A contrario, dans le domaine de l'écologie, le Grenelle de l'Environnement en a proposé quelques unes de bonnes... Exemple: développer le fer-routage et le transport de fret par rail... Cependant, en soumettant cette "bonne idée" aux contraintes de la concurrence réputée "libre et non faussée" (en réalité faussée par une déréglementation qui profite au transport routier au détriment des travailleurs de la route)... cette bonne idée devenait inopérante. Voilà pourquoi, dans les propositions qui suivent, il faudra se poser la question d'un mode opératoire possible.

 

D2-2-  

Quelques pistes sur le plan économique-énergétique.

  1. Priorité aux économies d'énergie et à l'efficacité énergétique : privilégier les scénarios NEGAWATT, alors que les autres scénarios envisagés dans les études prospectives prévoient tous une croissance -plus ou moins forte- de la demande énergétique.
  2. Planifier un autre développement économique / industriel.
  3. Développer, par exemple, une fillière industrielle pour l'isolation des bâtiments (normalisation des techniques, des processus, et des produits, contrôles de qualité) et l'adosser à une fillère de formation : les normes devront protéger la main d'oeuvre locale et les produits made in Fr.
  4. Développer le piègeage et la valorisation du CO2 produit par les industries polluantes (raffinage, production d'acier, de béton, incinérateurs, etc...). Par exemple :
  5. Mettre en cause le productivisme et l'hyperconsommation : concevoir des biens "durables", "réparables" (quand la buse de la cafetière électrique est bouchée, on la démonte, on la débouche ou on la change... mais on ne jette plus la cafetière...)
  6. Développer les transports collectifs plutôt qu'individuels en développant l'intermodalité des différents modes de transport (en particulier dans le cas des transports péri-urbains)
  7. Développer les services d'usages collectifs (location d'outils industriels dans le cas d'usages inermitents, co-voiturage...): ce genre de service permet de limiter l'empreinte écologique et de contribuer, par exemple, à l'intermodalité des transports.
  8. Atténuer les problèmes des pics de consommation électrique.
    • par une remise en cause des théories économiques du "flux tendu" et "zéro stock": le stockage d'objets industriels (quand il est possible) est une façon de stocker de l'énergie -celle qu'il a fallu consommer pour les produire-
    • par une consommation "intelligente" utilisant les plages horaires ou l'énergie est la plus disponible (exemple basique: rien n'empêche de concevoir des réfrigérateurs domestiques qui intégreraient un réservoir calorifique augmentant leur autonomie en cas d'arrêt prolongé de l'alimentation électrique),
    • par différents procédés de stockage de l'énergie (eau stockée en altitude, chaleur... mais aussi en développant la recherche et les nouvelles technologies pour la fabrication de batteries électriques)
    • par des technologies consistant à utiliser l'énergie électrique (éventuellement exédentaire à certains moments) pour produire une énergie secondaire, stockable, sous différentes formes. Par exemple sous forme d'hydrogène (voir le dossier du CEA) ou de méthane. La méthanation : transforme ainsi l'électricité en méthane de synthèse. Cette technologie, qui fonctionne actuellement, nécessite encore une amélioration de ses rendements (à l'étude actuellement en Allemagne, la France -AREVA- démarre aussi, avec quelque retard).
  9. Améliorer l'adéquation entre la production (centralisée <-> locale) et la consommation (locale) d'électricité, toute exploitation locale devant rester administrée par des régies publiques de l'énergie (pour : éolien, solaire, thermique, biogaz...à voir...)
  10. Récupérer (et stocker) la chaleur diffusée par des source industrielles (brûleurs, turbines...)
  11. Développer les recherches pour améliorer la production et la complémentarité des énergies renouvelables : solaire thermique, solaire photovolraique, biogaz, géothermie, énergie des mers (courants, vagues, marée) et du vent (sur terre et en mer)
  12.  Un exemple de solaire thermique (avec stockage de chaleur dans une colonne de sel fondu): "L'Espagne inaugure la première centrale solaire à concentration à vocation commerciale en Europe".
  13. Plus simplement et avec un excellent rendement, l'énergie thermique produite par le soleil permet des économies très importantes pour le chauffage de l'eau et le chauffage des bâtiments.
  14. Limiter progressivement la part du nucléaire (arrêter les centrales les moins sûres, pas de tranche nouvelle, pas d'EPR, pas de nucléaire NG), mais en annonçant clairement ce choix politique pour donner cohérence à tous les choix énoncés précédemment..

 

D2-3-  

Ce ne sont que des pistes, qui devront être déclinées sous l'angle des mesures politiques-économiques à mettre en oeuvre... Prenons pour exemple le scénario Negawatt qui se fonde sur une décroissance de la consommation d'énergie: amélioration de l'efficacité énergétique, économie réalisée par une meilleure isolation de l'habitat...

Pour qu'un scénario d'isolation des bâtiments soit efficace, sur le plan écologique aussi bien qu'économique, il serait illusoire de faire confiance à la libre concurrence et aux lois du marché... Quelles sont les données du problème ?

- des particuliers propriéaires d'un logement ancien qui n'ont pas les moyens pour investir dans l'isolation,
- des logements sociaux vétustes pour lesquels aucun travaux ne sont envisagés,
- des procédures administratives à mettre en oeuvre,
- des artisans compétents à trouver, avec des garanties de résultat pas forcément assurées,
- des grandes entreprises du bâtiment qui importent souvent de la main d'oeuvre épisodique et donc sans aucun suivi de qualité d'exécution, sur des contrats à durée déterminée (inférieure à 6 mois) permettant d'échapper aux contraintes prévues par les textes européens,
- des matériaux d'isolation le plus souvent importés...

Pour avancer sur ce problème, dans toute sa complexité, il faudra sans doute:

- mettre en place une filière "isolation". On peut imaginer par exemple un regroupement de PMI concernés par l'étude et la réalisation techniques de nouveaux produits, standardisés et adaptables... un développement de sociétés collaboratives, regroupant architectes, ingénieurs et techniciens du bâtiment, artisans, dans le cadre de relations conventionnelles, sociétés coopératives, etc... Sont concernés la pose, le contrôle du processus, la certification, en passant par les nouvelles filières de formation.

- mettre en place une règlementation (nationale voire européenne) : définition de normes, contrôle du processus, certification... réservation des marchés de l'isolation aux entreprises satisfaisant ces normes... en particulier par l'emploi d'une main d'oeuvre locale préalablement formée et par la mise en oeuvre de matériaux labellisés. N'accorder les permis de construire que dans le cas d'un strict respect des normes et processus définis.

- mettre en place un dispositif incitatif : aider les particuliers, par des mesures de prêt, pour l'isolation des facades plutôt que pour leur ravallement, utiliser une "Banque Publique d'Investissement" (adossée aux Assurances Vies) pour débloquer des subventions incitatives et effectuer les travaux dans les bâtiments publics...

 

D2-4-  

Ce n'est qu'un exemple qui illustre la contrainte générale : la cohérence et la crédibilité d'un ensemble d'arguments inter-dépendants a toujours pour limite celles de son maillon faible. On ne peut pas prétendre avoir réponse à tout mais, symboliquement, le maillon faible casse tout !!! 
En particulier, il me semble nécessaire que chacune des pistes proposées soient rendues crédibles par une évaluation économique, financière et technique. On possède déjà quelques éléments en France et dans d'autres pays (dans le domaine du solaire ou de l'éolien par exemple), qui devraient permettre de réaliser des projections (dans le domaine des énergies renouvelables, de l'emploi, etc...).

L'intermittence de ces productions d'électricité (solaire, éolien) pose cependant des questions spécifiques, aussi bien au niveau des réseaux de distribution d'électricité qu'au niveau de la nécessité d'un stockage d'énergie permettant de lisser les écarts entre l'offre et la demande (compte tenu de la grande variabilité de la demande en électricité).
Ces questions sont bien résumées dans un dossier de la Gazette -n° 69- Nov. 2012- (publication de l'École des Mines).

Il existe cependant des solutions tout à fait réalisables. D'une part dans une politique d'économie d'énergie. D'autre part dans la possibilité de stockage de l'énergie... Le stockage d'eau dans des barrages hydraulique est une excellente solution, malheureusement très partielle. Par contre, des projets de recherche-développement sont en cours, qui permettent actuellement d'envisager l'utilisation de l'électricité, en période excédentaire, pour fabriquer du méthane de synthèse qui, lui, pourra être stocké plus facilement que l'électricité.

 

D2-5-  

Il faut signaler que ces questions agitent de nombreux groupes de réflexion. La région PACA, en particulier, sous l'égide de l'Observatoire Régional de l'Energie a élaboré un Schéma Régional Climat Air Energie (SRCAE) et des Plans Climats Energie Territoire (PCET). Tous les documents produits sont accessibles sur le site de l'ORE. La région PACA est la première à avoir réalisé un Scénario Négawatt Régionalisé (accessible sur le site de l'ORE ou directement ici dans sa version de synthèse).

 

D2-6-  

Une issue possible : l'éco-socialisme, un chantier ouvert par les Assises de l'Écosocialisme.

"Le but du socialisme est l’émancipation de la personne humaine par le partage de la richesse entre tou(te)s et l’éducation globale de chacun(e). Cet objectif est contraire au productivisme, à la concurrence déloyale et à la croissance sans fin, qui épuisent les hommes et les femmes autant que l'écosystème, au delà du supportable. Ce constat oblige à définir un nouveau modèle de progrès dans lequel doivent être repensés non seulement le système de production et d’échange, mais aussi le contenu des productions et les modes de consommation.
Cette approche implique par conséquent l’ensemble de l’organisation sociale et politique. Elle nous oblige à penser de façon nouvelle ce qu’est le vrai progrès humain. Cette nouvelle conscience et son programme d’action sont l’écosocialisme. Ses méthodes sont la radicalité concrète, la planification écologique et la révolution citoyenne."

Ces termes devront être précisés, pour ne pas rester des slogans.

Sur le plan politique, l'écosocialisme repose sur l'idée d'un citoyen libre, parce qu'éduqué et informé, qui participe pleinement à la vie et aux décisions concernant la citée, conscient de sa responsabilité historique, conscient du fait qu'il est le garant de la valeur des choix politiques qui sont opérés.

Il est donc nécessaire d'entreprendre et de poursuivre le travail de formation et d'information. C'est une condition nécessaire:
- pour une efficacité en tant qu'acteur du processus de production.
- mais aussi pour le processus de transformation politique que nous projetons, processus qui passe par la convocation d'une constituante dont les travaux déboucheront sur une 6° République, pour redonner aux citoyens pouvoir et dignité, pour développer la démocratie locale, la démocratie dans l'entreprise, redonner vie aux débats parlementaires et renforcer le pouvoir du parlement ... et bien d'autres choses encore.

...Nécessaire si l'on veut aussi que le peuple puisse s'exprimer directement, par référendum, sur toutes les questions fondamentales qui engagent l'avenir (comme la distribution de l'eau, la propriété collective de la production d'énergie, les choix énergétiques, etc...)

Ce n'est pas une mince affaire car la plupart des domaines de décision sont complexes : celui concernant les choix énergétiques en particulier. On a vu le niveau de complexité des éléments à prendre en considération pour une décision raisonnée, mais il ne faut pas que l'expertise soit un obstacle à la démocratie.
La condition minimale à mettre en oeuvre est celle de l'information et du débat contradictoires.

L'objectif de ce document était simplement d'y contribuer...
.. dans l'attente de vos propres contributions.

 

   

 

     
-A-
-B-
-C-
-D-
-E-
-F-
-G-
-H-

http://commente.free.fr